Au seuil de ma porte 26 mars
Entre donc mon âme
ne vois-tu pas que je t’attends
Entre et souffle sur la porte
Qu’elle claque et que je sache
Que je ne t’ai pas perdu définitivement
Entre et claque la porte.
Te montrer du doigt? 5 mars
Te montrer du doigt?
Non, non et pourquoi te montrer du doigt?
J’avais oublié que tu n’étais qu’un homme
Aussi perdu que moi, en somme
Et chacun voulait que bonheur soit
Dans sa bulle, le rêve entre les cils.
Je ne te montre du doigt mais sache
Que tu as tué mes voeux et ma joie
Effacé mon sourire, mon rire et plus
Tu as brisé mon âme et cassé ma plume
J’ai failli mourir si ce n’était ma foi.
Je ne te montre du doigt, non mais pourquoi ?
Je ne peux te dire que merci pour la gifle
Qui du nord, sur mon visage siffle
Et le froid et le gel et l’hypocrisie
Ont pu me montrer les amis des ennemis
Non te montrer du doigt, mais pourquoi?
Tu es un lâcheur, un drôle de menteur
Quelle aurait été ma vie si je t’avais suivi?
Je ne suis pas née de la dernière pluie
Et de la vie j’ai appris à reconnaitre un leurre
E t qu’importe si je pleure, je sais que c’est fini.
Je vais sûrement refaire ma vie
Mais sois en sur jamais avec toi
Je ne te hais pas, je ne te méprise pas
T u n’es plus rien puis que je ne t’aime pas
Je t’efface chaque jour de mon esprit
Ce lieu que tu voulais tant habiter.
Toi qui cherche la vérité sur la nature humaine
Regarde cette copie rendue
C’est un brouillon de toi , lis et relis
Et note bien combien tu t’es trompé
Va, nous ne serons jamais demain.
La clé 3 mars
MDP
Tu m’avais donné la clé
et je me m’étais promenée
dans ton jardin secret.
Je te vivais chaque instant
Je sais tout de toi
Je sais tout d’elle
Surtout que vous êtes sorciers.
La solitude 28 février
Loin du monde.
Entrez, mes souvenirs, ouvrez ma solitude !
Le monde m’a troublée ; elle aussi me fait peur.
Que d’orages encore et que d’inquiétude
Avant que son silence assoupisse mon coeur !
Je suis comme l’enfant qui cherche après sa mère,
Qui crie, et qui s’arrête effrayé de sa voix.
J’ai de plus que l’enfant une mémoire amère :
Dans son premier chagrin, lui, n’a pas d’autrefois.
Entrez, mes souvenirs, quand vous seriez en larmes,
Car vous êtes mon père, et ma mère, et mes cieux !
Vos tristesses jamais ne reviennent sans charmes ;
Je vous souris toujours en essuyant mes yeux.
Revenez ! Vous aussi, rendez-moi vos sourires,
Vos longs soleils, votre ombre, et vos vertes fraîcheurs,
Où les anges riaient dans nos vierges délires,
Où nos fronts s’allumaient sous de chastes rougeurs.
Dans vos flots ramenés quand mon coeur se replonge,
Ô mes amours d’enfance ! ô mes jeunes amours !
Je vous revois couler comme l’eau dans un songe,
Ô vous, dont les miroirs se ressemblent toujours !
Marceline Desbordes-Valmore.
(1786-1859)
Les mains d’Elsa 28 février
Les mains d’Elsa
Donne-moi tes mains pour l’inquiétude
Donne-moi tes mains dont j’ai tant rêvé
Dont j’ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi te mains que je sois sauvé
Lorsque je les prends à mon pauvre piège
De paume et de peur de hâte et d’émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes main à moi
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m’envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j’ai trahi quand j’ai trésailli
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D’une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d’inconnu
Donne-moi tes mains que mon coeur s’y forme
S’y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.
Louis aragon
Ton image peuple ma solitude 28 février
Ton image peuple ma solitude.
Ton image en tous lieux peuple ma solitude.
Quand c’est l’hiver, la ville et les labeurs d’esprit,
Elle s’accoude au bout de ma table d’étude,
Muette, et me sourit.
A la campagne, au temps où le blé mûr ondule,
Amis du soir qui tombe et des vastes couchants,
Elle et moi nous rentrons ensemble au crépuscule
Par les chemins des champs.
Elle écoute avec moi sous les pins maritimes
La vague qui s’écroule en traînant des graviers.
Parfois, sur la montagne, ivre du vent des cimes,
Elle dort à mes pieds.
Elle retient sa part des tourments et des joies
Dont mon âme inégale est pleine chaque jour ;
Où que j’aille, elle porte au-devant de mes voies
La lampe de l’amour.
Enfin, comme elle est femme et sait que le poète
Ne voudrait pas sans elle oublier de souffrir,
Lorsqu’elle me voit triste elle étend sur ma tête
Ses mains pour me guérir.
Charles Guérin.
(1873-1907)